Le patrimoine en France
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Élus : sauver, embellir, transmettre... À vous de jouer !

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Élus et agents des collectivités territoriales
Élus : sauver, embellir, transmettre... À vous de jouer !
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Comment faire pour préserver et transmettre le riche patrimoine des communes ? 


La notion de patrimoine recouvre en effet une réalité plus large : du patrimoine bâti au patrimoine naturel, du patrimoine industriel au patrimoine rural... Tous ces sites constituent une richesse collective, issue de l’histoire quotidienne des habitants. Chaque collectivité se doit de la transmettre aux futurs habitants et doit, en même temps, à son tour, contribuer à la construction du patrimoine futur. Le rôle des élus est central pour sauver, embellir et transmettre le patrimoine de leur commune.  

> Le patrimoine français : un kaléidoscope unique à découvrir et à protéger

Quelles vocations pour le patrimoine communal ?

Le patrimoine, dans toute sa diversité, est fédérateur au sein d’une commune. Il est en effet lieu de vie commune, de partage, de rencontres et d’échanges. Ainsi, pour de nombreux citoyens, le patrimoine communal est le symbole de l’identité, de l’appartenance à une communauté, forgée par l’histoire qu’incarnent des lieux, des objets, des monuments, qu’il s’agisse d’une église, d’un château, d’un lavoir, d’une vallée, d’un parc ou encore d’une rue marchande…

Facteur d’identité, le patrimoine devient fédérateur. Il permet de rassembler et de construire sur des bases communes, et donc plus solides.

Associé à un label, il apporte notoriété et reconnaissance et favorise la communication en dehors des limites de la commune.

Bon à savoir : quelques labels nationaux pour le patrimoine

  • Petite Cité de Caractère
  • Architecture Contemporaine Remarquable (Patrimoine du XXe siècle)
  • Patrimoine européen
  • Ville et Pays d’Arts et d’Histoire
  • Label de la Fondation du patrimoine, pour les immeubles privés, constituant une reconnaissance de qualité et un outil de financement

Intégrez le patrimoine communal dans la vie quotidienne de la commune et il devient un ressort du développement économique. Entretenir, restaurer favorise en effet les entreprises locales, contribue au développement et au maintien d’emplois de proximité avec des savoir-faire de tout niveau.

Facteur d’attractivité, il permet à la collectivité de se différencier, d’améliorer le cadre de vie, de séduire de nouveaux habitants ou de convaincre des entreprises qui pourront profiter de l’image positive du lieu.

Enfin, valorisé au sein de la commune, il est générateur de tourisme, il attire les visiteurs et devient vecteur d’activité économique (réouverture de commerces, création d’activités culturelles en lien avec le patrimoine, etc.).

Le patrimoine communal est donc loin d’être un élément isolé. Il est au contraire central dans la commune ; sa restauration et sa valorisation peuvent générer de multiples retombées positives pour la commune. Le patrimoine, ce n’est pas qu’un coût, c’est aussi un investissement, levier majeur de développement économique.

 

Que peuvent faire les élus et collectivités territoriales ?

La gestion du patrimoine est, au même titre que la culture, une compétence partagée entre les différentes collectivités. Les politiques menées par chaque collectivité dépassent d’ailleurs la simple propriété des patrimoines et impliquent régulièrement des actions conjointes auprès des responsables des patrimoines matériels ou immatériels.

  • L’Etat : acteur de la protection par le classement puis le financement des monuments historiques, il peut apporter financement et expertise aux communes et collectivités. La DRAC (direction régionale des affaires culturelles) met en œuvre sur chaque territoire les politiques culturelles décidées par l’État. Au sein de la DRAC, on retrouve ensuite les UDAP (unité départementale de l’architecture et du patrimoine). Celles-ci émettent un avis sur les projets portant sur les espaces protégés et contribuent à promouvoir la qualité architecturale et paysagère des constructions.
  • La région a la charge de l’inventaire général du patrimoine(3). Par ailleurs, la préservation du patrimoine naturel est un des volets du SRADDET (schéma régional d’aménagement et de développement du territoire) dont la compatibilité s’impose à chaque plan local d’urbanisme (PLU). Chaque région développe aussi sa propre politique de subvention. Celle-ci peut être ciblée sur un patrimoine particulier, s’appliquer en soutien aux labels de la Fondation du patrimoine, ou encore refléter une politique sectorielle en faveur des parcs naturels régionaux par exemple.
  • Le département : à l’instar des régions, chaque département conduit des politiques patrimoniales spécifiques. Il mène donc diverses actions en faveur de la préservation du patrimoine architectural culturel ou naturel. Entre département et région, les politiques patrimoniales peuvent différer mais se retrouvent dans leur action en soutien aux communes. 
  • La commune, et le bloc communal, demeure enfin le premier acteur du patrimoine. Il lui incombe d’abord l’entretien du patrimoine lui appartenant. Plus largement, la commune doit intégrer le patrimoine public et privé dans son projet territorial, notamment au travers de sa politique d’urbanisme et de développement durable. Le Plan local d’urbanisme avec ses documents annexes constitue l’outil principal dont dispose le bloc communal pour appliquer sa politique patrimoniale. Enfin, le maire peut décider de faire du patrimoine une priorité économique, territoriale et culturelle.

Valoriser le patrimoine et le paysage dans les PLU / PLUi : la fiche thématique proposée par Céréma

 

Intégrer le patrimoine à un projet territorial : quels défis ?

Pour réaliser un projet patrimonial, l’équipe communale peut se trouver face à 4 défis principaux :

  • Dépasser l’amalgame, encore fréquent, entre patrimoine et monuments historiques qui peut aboutir à une vision restreinte de ce qu’est le patrimoine. Restaurer et protéger ne veut pas dire placer le patrimoine sous cloche ou tout refaire à l’identique.
  • Identifier et trouver les financements pour mener les projets. Inclure la préservation du patrimoine existant dans l’élaboration de nouveaux usages ou de nouvelles solutions peut générer des coûts supplémentaires immédiats, mais évite très souvent des coûts cachés ou futurs plus élevés. Différents leviers existent, à activer pour vous aider (collectes, aides de l’Etat, fondations, etc.).
  • Concilier la nécessité d’agir pour le court terme et de penser pour le long terme. Le temps du mandat peut être court pour mener à bien des projets d’envergure. En s’appuyant sur quelques bonnes volontés et en sollicitant l’aide d’associations locales, il est possible d’enclencher rapidement de grands projets fédérateurs.
  • Bien penser la valorisation de ce projet patrimonial pour que la restauration apporte attractivité et retombées économiques pour la commune. Pour prendre toute sa valeur, ce projet patrimonial doit s’intégrer pleinement dans le projet de territoire. Il en est une des dimensions et souvent la clef de voute de l’ensemble.

 

Le saviez-vous ?

Conserver ou restaurer ? Le débat a pris corps au XIXe siècle avec notamment l’opposition entre Viollet-le-Duc et Ruskin. La charte de Venise de 1964 n’a pas soldé le débat : Faut-il reconstruire le patrimoine ? (unesco.org)

 

Les facteurs clés de succès

Face à ces défis de l’action communale en faveur du patrimoine, l’élu peut se sentir démuni. Construire un projet patrimonial cohérent et accepté par l’ensemble des parties prenantes nécessite de mener une démarche structurée afin de vérifier différents points clés à chaque étape de son élaboration et de sa réalisation.

Procéder par étape : bien connaître le patrimoine communal avant de se lancer

Le patrimoine est divers, et il est essentiel de prendre conscience de toute cette diversité : cela implique de connaître l’existant, de s’interroger sur ce qui fait patrimoine, ce qui est remarquable, ce qui fait le bien commun...

Ainsi, un inventaire et un audit du patrimoine sont des outils précieux. Cela permet de disposer d’un état des lieux du patrimoine pour ensuite définir des priorités, entre restauration et entretien notamment, et construire un plan d’action cohérent avec le projet de la commune.

 

Inclure le patrimoine comme un atout dans l’aménagement du territoire

La restauration et la valorisation du patrimoine sont des sujets qui s’intègrent à une réflexion d’aménagement plus large et peuvent servir d’autres projets : redynamisation culturelle, création de logements, d’entreprises ou de commerces…

Il est donc important de penser le projet, non pas dans le seul souci de préserver, mais avec l’idée d’inclure le site dans un plan plus large, au service des habitants notamment.

 

(Re)penser de nouveaux usages

Un patrimoine restauré peut permettre l’implantation d’une nouvelle activité, être valorisé… Il bénéficie ainsi d’un second souffle, d’une seconde vie. Il faut ainsi souvent se poser la question de la reconversion d’un lieu, qui peut permettre de répondre à de nouveaux usages ou besoins. La démolition n’est pas inévitable. Le patrimoine constitue en effet un terrain riche et fertile pour déployer des projets innovants, hybrides qui peuvent mêler protection du patrimoine, développement économique, tourisme, valorisation culturelle, etc.

 

   

Impliquer les habitants et travailler avec les associations

Un projet patrimoine ne se construit pas seul. C’est un projet collectif, qui doit permettre de fédérer la population. Là encore, faire le lien entre les attentes et besoins des citoyens et le projet est essentiel pour en justifier la portée. Des associations locales de protection ou de promotion de l’histoire et du patrimoine peuvent également apporter un soutien de poids à chaque étape, et contribuer à la visibilité et à la mobilisation autour du projet.

 

Bon à savoir

L’association Petites Cités de Caractère, avec le concours de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), met à la disposition des collectivités un guide méthodologique pour aider à l’élaboration d’un projet patrimonial.

Pour autant, la volonté ne suffit pas ! Connaître et activer les différentes expertises disponibles est essentiel pour être aidé dans l’élaboration et la réalisation d’un projet patrimonial.

 

Mobiliser les bons acteurs à vos côtés

L’élu n’est pas seul face à son projet patrimonial ; il ne doit pas hésiter à faire appel aux différentes expertises publiques, associatives ou privées, présentes aux côtés des autres acteurs locaux, et des habitants. Pour bénéficier pleinement de leurs connaissances, un élu peut rencontrer ces différents experts, les réunir, les faire participer tout au long du projet patrimonial ou dans la vie courante de la commune en amont des projets ou pour leur pérennisation.

En premier lieu, l’État dispose d’expertise qu’il ne faut pas hésiter à solliciter le plus en amont des projets.

Du côté des architectes 

  • Les architectes des bâtiments de France (ABF) sont les premiers interlocuteurs à privilégier par les élus, en particulier pour être orientés ensuite vers le bon architecte avec la bonne compétence.
  • Les architectes-conseils de l’État (ACE) sont généralement plutôt associés aux projets portant sur un patrimoine contemporain et non classé. Ils peuvent notamment apporter un regard sur les enjeux de rénovation énergétique.
  • Pour le patrimoine protégé également, qu’il soit inscrit ou classé, un maire peut solliciter l’assistance à maîtrise d’ouvrage de l’État (payante ou gratuite sous certaines conditions) via l’intervention d’un architecte en chef des monuments historiques (ACMH).
  • Les architectes du patrimoine, diplômés de l’Ecole de Chaillot, sont spécialisés dans la restauration, la réhabilitation et l’aménagement de sites patrimoniaux. Ils peuvent notamment travailler sur le diagnostic d’ensembles urbains patrimoniaux, intervenir sur des édifices protégés…

Pour bénéficier de conseils et d’un accompagnement

  • Les unités départementales de l’architecture du patrimoine (UDAP) sont mobilisées aux côtés des collectivités pour accompagner le développement territorial, en travaillant notamment sur les opérations de revitalisation des centres-bourgs. Plus globalement, elles accompagnent les porteurs de projet, en promouvant un urbanisme et une architecture de qualité.
  • Pour les monuments protégés, la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) peut être sollicitée afin de fournir un appui à l’ingénierie. Elle accompagne les porteurs du début à la fin de leur projet : élaboration du programme de travaux, réalisation des diagnostics préalables, autorisations de travaux, etc.
  • Au sein des conseils d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement (CAUE), financés par les départements, les architectes-conseils et les chargés de mission peuvent fournir un accompagnement, le plus souvent gratuit, pour aider à identifier le patrimoine, réfléchir aux transformations, apporter leur expertise sur des questions réglementaires...

N’oubliez pas également les associations locales qui peuvent vous orienter, ainsi que les délégués de la Fondation du patrimoine qui vous aideront dans la connaissance de ce réseau.

Tout ce réseau pourra aider les élus à construire le plan de financement par la connaissance qu’ils ont des différents leviers de financement, que ce soit par les subventions et aides publiques ou l’activation des fondations et apports privés qui peuvent compléter le plan de financement.

 

Quand un maire peut faire toute la différence : l’exemple de Pont-Croix

Au sein de Pont-Croix, commune du Finistère de 1 586 habitants, se trouve l’ancien séminaire de Pont-Croix, un patrimoine religieux qui a marqué l’histoire. Inoccupé depuis sa fermeture en 1973, les différents bâtiments se sont rapidement dégradés. Il était alors urgent d’entreprendre des travaux de restauration (couverture, menuiseries, façades) puis d’aménagement intérieur afin de donner une seconde vie à ce lieu.

Ce projet a bénéficié du soutien de la Fondation du patrimoine, via l’organisation d’une collecte, ainsi que du soutien de la Mission Patrimoine en péril.

La Région Bretagne ainsi que le Conseil départemental du Finistère ont également soutenu ce beau projet de restauration.

Benoît Lauriou, maire de Pont-Croix, revient pour nous sur la restauration du petit séminaire : objectifs du projet, travaux, impacts… découvrez son Expérience patrimoine !

 

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